Jusqu’à quel point peut-on être ami, avec ses collaborateurs lorsque l’on est manager ?
Certains prétendent que c’est dangereux, que des limites s’imposent, qu’on ne doit pas tout mélanger, au risque de perdre sa crédibilité…. La sacro sainte distinction vie privée / vie professionnelle !
Je pense que la réalité est un peu plus nuancée.
Créer du lien avec son équipe est indispensable
Le temps du manager distant, autoritaire, inaccessible dans sa tour d’ivoire, est loin derrière nous.
Motivation, engagement, reconnaissance, sentiment d’appartenance, …, autant d’ingrédients nécessaires à la performance et qui sont liés à l’humain, au lien entre les individus.
Pour cela, il me semble important de laisser tomber quelques barrières, de se montrer un peu tel que l’on est, de parler de soi aussi.
Le manager se doit d’accueillir l’autre avec son identité propre, accepter aussi qu’il ne soit pas qu'un être professionnel….et que sa vie privée déborde parfois sur le temps professionnel ! Alors pourquoi l’inverse ne serait il pas vrai ?
Oui le manager est un collaborateur comme les autres !
Lui aussi peut être de mauvaise humeur, avoir mal dormi, avoir des soucis… et en soi il faut certainement mieux les exprimer que de tenter de les cacher et que les émotions jaillissent en boomerang dans un moment inopportun.
Je pense qu’il est plus sain d’arriver le matin en disant « j’ai rien dormi de la nuit, car j’ai un souci avec mes parents », plutôt que d’exploser lors de la réunion matinale parce que Gertrude n’a pas fini le dossier demandé.
Une des qualités premières du manager est l’empathie. Pourquoi ne pourrait-il pas en recevoir un peu à son égard ?
Cadre et exemplarité restent de mise
Evidemment, le manager ne peut pas faire n’importe quoi, tout se permettre. Plus qu’un autre, il doit prendre sur lui, s’imposer des règles et tenter de s’y tenir. Il se doit de montrer l’exemple.
Il est le garant du cadre de travail, des règles de vie en communauté, des modalités qui régissent l’équipe et les relations entre ses membres.
Il ne s’agit pas d’arriver tous les jours en pleurnichant ou en s’étalant une demi-heure à la machine à café sur ses déboires conjugaux.
Il s’agit d’être respectueux de soi, de ses besoins et de ses limites.
La convivialité, source de cohésion
Je crois en l’histoire de l’équipe.
Vivre des moments ensemble, célébrer les victoires professionnelles mais aussi les évènements personnels, crée le ciment entre les membres de l’équipe, le sentiment d’appartenance.
Se créer une histoire, des codes, des "private joke", sont autant d'éléments d’identité forts, qui font partie du mythe fondateur de l’équipe.
Cela se crée dans l’espace de l’entreprise, mais aussi en dehors du cadre.
Sortir boire un verre, faire du sport, découvrir de nouvelles choses ensemble…. C’est cela aussi qui fonde une équipe, au dela des temps de teambuildings organisés par le manager ou l’entreprise.
L’écriture de cette histoire collective n’est pas la seule affaire du manager, mais bien une co-responsabilité de chacun de ses membres.
L’intelligence émotionnelle, soft skills essentiel du manager
Les émotions ont leur place au travail, leur expression permet l’authenticité des personnes, ainsi qu’une communication positive.
Savoir les reconnaitre, les accepter et composer avec les siennes et celles des autres pour créer des relations harmonieuses et respectueuses, c'est cela l’intelligence émotionnelle.
Si la confiance, la bienveillance, le respect me paraissent la base du vivre ensemble, du travailler ensemble, et au dela du performer ensemble, elles sont aussi le socle de l’amitié.
Et je ne suis pas certaine que l’on puisse poser des barrières si facilement.
Ok, je travaille avec toi tous les jours, je te respecte, je t’accueille tel que tu es, je m’ouvre à toi pour pouvoir communiquer juste…mais surtout, non, on ne devient pas copains.
Illusoire, non ?
La seule règle : l’équité
Il n’y a pour moi pas de règle quand on parle de relation humaine, chacun doit simplement faire comme il le sent, avec ce qu’il est.
La seule exigence absolue pour le manager est de conserver l’équité entre les membres de son équipe, quel que soit le degré d’affinité et les relations créées. Chacun doit être soumis aux mêmes règles, bénéficier d’une reconnaissance, être écouté et entendu.
Bref, prendre sa juste place dans l’équipe.
Même si les sentiments existent, ils ne doivent pas interférer dans les relations professionnelles.
Impossible? Je ne crois pas. Tout est dans le cadre fixé, et la confiance mutuelle.
La confiance que j’ai en moi-même pour savoir poser les limites.
La confiance que j’inspire à mon équipe parce que je lui ai prouvé mon impartialité.
La confiance que je fais à mon collaborateur ami pour qu’il comprenne et respecte ce cadre.
To be or not to be friend ?
Alors à la question peut-on être ami avec ses collaborateurs, je répondrais simplement que l’amitié, une des plus belles choses que je connaisse, ne se décide pas. Si vous êtes vous-même, ouvert à l’autre et à la relation, parfois l’amitié déboule dans votre vie, au boulot ou ailleurs….
Se respecter et ne pas aller contre sa nature. Voilà la clé.
Pour moi cela aurait été contre nature de limiter et surcadrer mes relations. Alors oui, j’ai créé des liens d’amitié, parfois même très forts, avec mes anciens collaborateurs. Et je vous avoue même qu’ils m’ont été salutaires à certains moments de mon aventure professionnelle….
Car je ne le dirai jamais assez, le manager n’est pas un super héros….et avoir une personne qui prenne soin de vous dans votre équipe, parfois cela sauve la vie du simple humain que l’on est.
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